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📣 Donald Trump : Anatomie d’une stratégie de communication hors normes

Donald Trump en discours, un style direct et émotionnel
Donald Trump en discours, un style direct et émotionnel

[Disclaimer]

Cet article n’a pas pour objectif d’analyser le fond des discours de Donald Trump ni d’évaluer ses positions politiques. Il s’agit ici d’un exercice d’analyse professionnelle, centré exclusivement sur les techniques de communication utilisées. L’enjeu est de comprendre les mécanismes formels déployés dans sa prise de parole publique, leur efficacité, leurs limites et leurs implications.



  1. Un style en rupture

Donald Trump ne parle pas comme la plupart des dirigeants occidentaux. C’est un fait. Qu’on le considère comme un génie de la communication ou un acteur imprévisible, son style interpelle — parce qu’il s’écarte des codes établis. Là où d'autres adoptent une posture policée, Trump privilégie la rupture, l’impact et la répétition.


Le linguiste Aurélien Amet, dans une analyse de son discours à Milwaukee lors de la Convention nationale républicaine, note que les interventions de Trump sont, en moyenne, compréhensibles par un enfant de 9 ans. L’indice de lisibilité Coleman-Liau place ce discours à 6,6, soit un niveau scolaire équivalent à une classe de sixième.


Cette simplicité n’est pas le fruit du hasard. Les phrases sont courtes (environ 10 mots), construites sans subordination, et appuyées par un vocabulaire extrêmement concret, truffé d’adverbes ("very", "really"), de superlatifs ("the best", "disaster") et de formules choc. Trump ne cherche pas à expliquer. Il cherche à frapper.



  1. Une communication émotionnelle, structurée autour du conflit

Le discours de Donald Trump est fortement polarisant. Cela ne tient pas uniquement au contenu politique, mais à la structure même de sa communication : tout est pensé pour créer une opposition nette entre "nous" et "eux".


Dans son discours de Milwaukee, on relève :

  • 262 "je",

  • 207 "vous",

  • 295 "nous".


Face à ce groupe, un "they" flou mais menaçant est construit, incarné successivement par les démocrates, les élites, les journalistes ou les immigrés clandestins. Le mot "invasion" est utilisé treize fois, accompagné d’un champ lexical martial : "kill", "hurt", "attack", "rape".


Cette stratégie repose sur une mécanique ancienne mais efficace : blâmer un ennemi désigné, le diaboliser, et se positionner comme unique rempart. Le procédé joue sur deux émotions cardinales : la peur et l’espoir.



  1. Le matraquage comme méthode

Donald Trump est un communicant de la répétition. Ses discours fonctionnent comme des slogans publicitaires. Il martèle les mêmes idées, répète les mêmes expressions, ressasse les mêmes figures. Loin d’être une faiblesse, ce choix participe à un effet bien connu des psychologues : le biais de vérité illusoire. Plus une idée est répétée, plus elle est perçue comme vraie, indépendamment de sa véracité.


Le discours devient alors un outil de conditionnement. Hillary Clinton devient « crooked Hillary », Joe Biden devient « sleepy Joe ». Ces surnoms répétés systématiquement étiquettent les adversaires dans l’inconscient collectif.



  1. Une stratégie de tension permanente

Plusieurs experts identifient dans la posture de Trump une forme d’imprévisibilité calculée, que certains appellent la "théorie du fou" — une stratégie popularisée durant la guerre froide, selon laquelle un dirigeant imprévisible peut faire plier ses adversaires par peur de ses réactions.


Ce positionnement brouille la ligne entre stratégie, spontanéité et provocation. Il donne parfois l’image d’un leader désinhibé et proche du peuple, parfois celle d’un personnage instable. Tout dépend de la grille de lecture. Mais il y a là une logique de déséquilibre communicationnel pleinement assumée.



  1. Des compétences personnelles bien exploitées

Au-delà des effets de style, Trump maîtrise plusieurs soft skills de manière instinctive : confiance en soi, impact personnel, gestion de l’incertitude. Il s’impose dans la conversation par sa seule présence. Il monopolise l’espace discursif, quitte à interrompre, hausser le ton, voire détourner totalement le sujet.


Selon une analyse de Simundia, son style repose sur :

  • Une grande assurance verbale,

  • Une capacité à improviser,

  • Un sens du rapport de force très développé,

  • Une aptitude à dominer émotionnellement ses interlocuteurs.



  1. Entre efficacité et fracture

La communication de Donald Trump est, au sens strict, efficace : elle atteint ses objectifs de mobilisation, d’impact et de mémorisation. Elle repose sur des techniques éprouvées en marketing, en storytelling, en psychologie sociale.


Mais elle soulève aussi de nombreuses limites :

  • Appauvrissement du débat, où l’émotion l’emporte sur la raison,

  • Polarisation extrême des opinions,

  • Difficulté à convaincre au-delà de son camp,

  • Disqualification systématique de l’adversaire, réduisant les possibilités de dialogue.


Conclusion

Étudier la communication de Donald Trump, ce n’est pas valider une méthode. C’est observer comment certains leviers — la simplicité, la répétition, l’opposition, l’émotion — peuvent être poussés à leur paroxysme pour créer un style identifiable, marquant, clivant.

Pour les professionnels de la communication, cette analyse rappelle une chose essentielle : la forme n’est jamais neutre. Elle construit la perception du fond. Une stratégie qui capte l’attention peut aussi fermer la porte au débat. À chacun, ensuite, de décider où placer le curseur.



 
 
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